Annecy, entre sobriété et grands chantiers

par | 02 octobre 2022

La capitale haut-savoyarde a pris des mesures conséquentes pour limiter sa consommation énergétique. Alors qu’elle est engagée dans plusieurs grands chantiers qui vont se concrétiser entre 2023 et 2025, la Ville s’inquiète aussi des hausses de leurs coûts, déjà effectives.


Cet article s’inscrit en complément d’un Eco Savoie Mont Blanc n°39 en grande part consacré aux problématiques énergétiques, avec un Grand angle qui présente les grand enjeux de la réduction de consommation avant l’hiver, un entretien avec Olivier Godin, président de Solisart, l’un des leaders européens du solaire direct ou encore un article sur les initiatives de réduction de consommation dans les logements sociaux. Ce numéro est à retrouver en kiosque et dans notre liseuse électronique.


« L’environnement, ça commence à bien faire », avait lâché Nicolas Sarkozy, alors président de la République. « L’environnement, ça commence à coûter cher », pourraient lui répondre, 11 ans plus tard, François Astorg, maire d’Annecy et son premier adjoint, Benjamin Marias. Car pour la capitale haut-savoyarde, la crise énergétique va entraîner surcoûts en approvisionnements, investissements dans la transition et hausses de factures sur plusieurs chantiers d’ampleur.

La commune demeure pourtant « très volontaire et très impliquée dans son plan de sobriété. De manière évidente face à la crise climatique… mais pas que », insiste François Astorg, à la tête d’une majorité écolo-centriste. Alors que le gouvernement incite ménages, entreprises et collectivités à diminuer de 10 % leur consommation énergétique, l’élu appelle en retour ce même gouvernement à « accompagner tous ceux qui font des efforts ». Car diminuer sa consommation n’est pas forcément évident à l’échelle d’une commune et peut, sur divers aspects, exiger des investissements plus ou moins conséquents.

Camions trois fois plus chers

Au niveau énergétique, la Ville peut agir sur sa production d’énergie renouvelable, histoire de diminuer sa facture et sa dépendance. « Pour l’hydroélectricité, nous n’avons pas de potentiel de développement mais il y en a sur le solaire et la biomasse », résume Benjamin Marias en expliquant que la Ville travaille le sujet.

Mais c’est surtout sur ses consommations que la commune peut agir rapidement. C’est vrai pour son parc de véhicules, qu’elle a commencé à basculer, par renouvellement progressif, vers des motorisations électriques pour les voitures et gaz pour les camionnettes. Les poids-lourds restant au diesel faute de solutions abordables pour le moment : « les coûts sont 2 à 3 fois supérieurs selon les motorisations alternatives proposées (gaz, électricité ou hydrogène) », expliquent les élus.

Pour être effectif d’ici la fin du mandat (2027), l’abandon des motorisations essence et diesel (sauf pour les poids lourds, donc) fait l’objet d’un investissement de 3 M€ par an, sachant que sur les presque 780 véhicules du parc municipal il y a une centaine de vélos et déjà près de 90 voitures électriques. Autre élément important : avant la fin du mandat (et a priori dès 2025), Annecy sera couverte par une Zone à faible émission (ZFE) au sein de laquelle les véhicules les plus polluants seront interdits : les modalités et le calendrier de cette ZFE sont en cours de discussion mais la Ville ne veut pas se retrouver avec certains de ses propres véhicules interdits de circulation sur son propre territoire…

Éclairage difficile à moduler

De l’aveu des deux élus, l’éclairage public (voirie, parcs, bâtiments emblématiques…), issu de la fusion des six communes historiques en 2017 (Annecy, Annecy-le-Vieux, Cran-Gevrier, Meythet, Pringy, Seynod) est globalement « très hétérogène et vieillissant dans ses modalités de gestions ». Traduction : cet éclairage public, qui totalise 20 000 points lumineux (1,7 M€ de coût de fonctionnement annuel… pour le moment ; le contrat d’approvisionnement en électricité de la ville lui garantit un prix fixe jusqu’à fin 2024) est organisé par zones – des « poches » en jargon technique – au sein desquelles il n’est pas possible d’isoler tel ou tel sous-secteur.

Impossible, donc, du moins pour le moment, de maintenir une rue pleinement éclairée pour des raisons de sécurité (si elle est plus accidentogène, par exemple) en laissant les voiries voisines dans le noir ou avec un moindre éclairage. Impossible, aussi, de moduler la puissance de l’éclairage en fonction des besoins. Pour remédier à cette situation, la Ville et le Syane investissent 900 000 € par an (au total). « Pour renouveler l’ensemble du parc d’ici la fin du mandat, il faudrait doubler le rythme », reconnaît Benjamin Marias, ce qui pénaliserait alors d’autres investissements. Consolation : la rénovation permet d’économiser jusqu’à 60 % de la consommation de la « poche ».

Au niveau de l’éclairage intérieur, même démarche : les ampoules classiques sont progressivement remplacées par des leds. Cela coûte 300 000 euros par an, mais permet ensuite une diminution de consommation jusqu’à 45 %.

La nuit est belle… mais la lumière rassure !

Couper complètement l’éclairage est possible, à l’image de ce que vient de faire le Grand Genève pour son opération La Nuit est belle. Mais le faire durablement sur tel ou tel secteur « pose la question de la responsabilité juridique du maire (ndlr : en cas de hausse de l’accidentologie et de la délinquance) et peut nourrir un sentiment d’insécurité », explique Benjamin Marias. « Si nous décidons de le faire, il va nécessairement y avoir des débats et il faudra travailler à une bonne acceptation de la mesure », complète un François Astorg pas très inquiet car « les courriers que l’on reçoit aujourd’hui sur le sujet nous demandent plutôt « pourquoi vous éclairez encore ? ».

La commune décarbone progressivement son parc de véhicules, comme ici avec une nouvelle camionnette au GNV. (François Astorg est en veste bleue et Benjamin Marias en chemise beige ; photo : Eric Renevier – septembre 2022)

Le chauffage, sujet brûlant

Pour diminuer sa consommation énergétique la Ville doit aussi agir sur le chauffage de ses bâtiments. Elle en possède pas moins de 750 au total. Soit 600 000 m². Et seulement 48 ont moins de 15 ans et répondent donc à des niveaux de consommation corrects (conformes à la RT 2012). « Pour les autres… c’est plus compliqué », soupire Benjamin Marias, conscient de l’enjeu et des difficultés.

Pour Annecy, le chauffage représente 30 000 mégawattheures (MWh) par an en gaz. « Jusqu’à récemment, c’était 20 €/MWh, aujourd’hui 190 €/MWh sur marché slot (ndlr : c’est-à-dire au jour le jour) mais notre contrat va jusqu’à août 2023 », détaille Benjamin Marias. « L’enjeu à présent est : quel gaz, pour quelle consommation à partir d’août 2023 ? », résume l’élu.

Niveau électricité, c’est 30 000 MWh aussi et un contrat (renouvelé fin 2021 pour 3 ans) qui garantit un mégawattheure à 80 €. « C’était déjà assez haut à l’époque, mais encore plus haut maintenant… » Le renouvellement des contrats d’approvisionnement (fournisseur, durée et prix) n’est pas le seul point à revêtir des enjeux importants. L’organisation de la consommation est aussi un point clef : pour le moment, chaque service pilote “sa” consommation en fonction de ses besoins alors qu’une meilleure coordination d’ensemble permettrait des optimisations. La Ville planche donc aussi sur ce sujet.

« Le décret tertiaire va nous imposer une diminution de 40% de la consommation énergétique de nos bâtiments tertiaires (ndlr : bureaux mais aussi écoles, gymnases…) à échéance 2030. Si nous parvenons à diminuer de 5 ou 6% tous les ans – voire idéalement 10% – alors oui, nous pouvons y parvenir. C’est notre ambition. »

Benjamin Marias, Premier adjoint de la Ville d’Annecy

Moins consommer, c’est d’abord moins chauffer

Changer ses véhicules, mieux isoler ses bâtiments, optimiser ses approvisionnements en énergie… tout cela va concourir à diminuer les consommations. Mais le levier le plus immédiat c’est évidemment celui des pratiques du quotidien. Cela va de penser à éteindre la lumière ou le PC quand il n’y en a pas besoin à… moins chauffer, évidemment.

C’est là le point le plus épineux pour la Ville, tant vis-à-vis de ses agents (ils sont 3 280) que de ses usagers : élèves et enseignants dans les écoles, sportifs dans les gymnases… Pour répondre à l’attente gouvernementale de -10 %, elle a décidé diminuer la température partout : 16° (au lieu de 19°) dans les locaux techniques où il y a des postes de travail, 19° (au lieu de 20° ou 21° selon les cas) dans les lieux de travail, y compris les écoles primaires ; 20° au lieu de 21° dans les maternelles, 21°au lieu de 22° dans les crèches. Et 14° au lieu de 16° dans les gymnases (avec étude sur besoins de différenciation selon pratiques), qui passeront à 12° pour les périodes d’inutilisation et même en simple mise hors-gel si cette inoccupation dépasse 48 heures.

Et les piscines ? 27° au lieu de 28° pour l’eau et… pas encore de décision pour la température de l’air car la question est techniquement plus complexe. Seule certitude : l’enjeu financier est minime car les deux piscines de la ville disposent de chauffages spécifiques. À savoir, la récupération des calories issues du système de refroidissement de la patinoire voisine pour Jean-Régis et l’usine d’incinération des ordures ménagères de Chavanod pour l’Ile Bleue.

« Les sites remarquables (basilique de la Visitation, Cathédrale, Pont des Amours, Vieilles Prisons, Église des Fins…) ne seront plus éclairés après 22 heures.  Une mesure très symbolique, pour l’hiver. Quand on demande des efforts importants à population, éclairer des bâtiments jusqu’à 1 heure du matin ne tient pas. »

François Astorg, maire d’Annecy.
Comme les autres bâtiments emblématiques de la ville, les Vieilles Prisons ne seront plus éclairées après 22 heures cet hiver (Photo : Eric Renevier – Archives).

Des grands chantiers très impactés

Dans le BTP, la hausse des coûts de l’énergie vient s’ajouter à celle des matières premières. Résultat, les estimations de coût des grands chantiers lancés par la Ville d’Annecy s’envolent. « Et le plus grand problème, c’est le manque de visibilité : on ne sait pas comment la situation va évoluer demain », s’inquiète le premier adjoint.

Pour la nouvelle piscine des Marquisats, l’estimation actuelle porte sur un surcoût de 3,5 M€, sur 36 M€ environ à l’origine. Pour la transformation des anciens Haras en pôle culturel et de restauration, c’est + 6 M€ au total (+2,7 M€ sur les matériaux et + 3,3 M€ pour l’actualisation de l’ensemble des prix), pour un chantier estimé à 38,5 M€ jusque-là. Pour l’Hôtel-de-Ville, bonne surprise : tout ayant été négocié et signé avant, pas de surcoût prévu (30 M€ de coût global dont 21 M€ à charge de la Ville).

À noter : ces trois grands chantiers, emblématiques se dérouleront tous sur 2023-2025. En quatre ans, (si l’on inclut les chantiers du pont Albert-Lebrun et de la rénovation du pôle commercial des Galeries Lafayette (37 M€ d’investissement privé), achevés cette année), le visage de la cité lacustre va ainsi connaître un sérieux lifting.


Photo du haut : François Astorg, maire d’Annecy – © Eric Soudan – Alpaca – www.Andia.fr


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1 Commentaire

  1. Antolinez

    Et si on supprimait quelques couches du club-sandwich administratif…
    Département/Grand Annecy/Nouvel Annecy/Communes déleguées.
    La sobriété n’est pas possible sans efficience.
    Le portefeuille des propriétaires qui supportent seuls les dépences des projets somptuaires et sans véritable utilité publique: les Haras.

    Réponse

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