« Et si les crises pouvaient permettre de se réinventer face à l’inattendu ? » était le sujet imposé de la dernière journée de l’économie de la Foire de Savoie. Trois entrepreneurs ont planché sur le thème avec humilité, humour et enthousiasme.
« J’ai lu dernièrement un livre sur Franklin Delano Roosevelt, président des USA de 1933 à 1945, qui prend ses fonctions dans un pays aussi touché par la crise que l’Allemagne, qui reste en fonction en même temps qu’Hitler, et qui emprunte un autre chemin, jouant la démocratie, l’économie… Une lecture inspirante en ces temps où nous devons nous aussi affronter des crises et vivre dans l’incertitude. » Julien de Nomazy, 53 ans, a créé SynBird en 2017 après 17 années passées chez Bayard Presse. Le projet, c’est créer un outil de prise de rendez-vous tout terrain. En 2018, le chiffre d’affaires est à 10 000 euros, avec cinq personnes. L’associé retire ses billes. C’est un moment de crise personnelle : stop ou encore ?
« La réponse, c’est que je n’avais pas envie de redevenir salarié, témoigne Julien de Nomazy. C’est à ce moment-là que je suis vraiment devenu entrepreneur. J’ai mis 60 000 euros dans l’entreprise, j’ai allégé la structure et simplifié l’offre autour de la prise de rendez-vous pour les seules mairies. Et j’ai pris ma Clio pour prospecter. Ca a commencé à marcher. En février 2020, on embauche des commerciaux. En mars, tout s’arrête, sauf nous : on décide de continuer à proposer nos services et on fait bien parce que souvenez-vous, la demande de prise de rendez-vous (pour les déchetteries, les piscines…) explose et que ça nous fait connaître. Et notre réactivité plaît : je me souviens d’un contrat passé un vendredi 22 h – avec une collectivité ! – pour lancement du service le samedi 7 h. » Stratégie gagnante : aujourd’hui SynBird traite les rendez-vous de 400 mairies françaises, lance le service en Italie. Le CA 2022 n’est encore que de 900 000 euros avec 18 salariés « parce que notre modèle d’abonnement est lent à démarrer » mais il sera de 10 millions en 2026 avec 80 salariés, promet le dirigeant.
Le premier confinement n’a pas non plus arrêté Alys Chianale, dirigeante de l’imprimerie In’Pressco (Aix-les-Bains, 12 personnes pour 1,2 million de CA). « Nous nous sommes recentrés sur de nouveaux produits, plus qualitatifs, éventuellement en petite série comme ces boîtes de jeu qui ont fleuri pendant la crise. Nous avons investi dans de nouveaux bâtiments, remanié nos équipes, noué des partenariats, élargi notre démarche d’économie circulaire. Nous transformons en papier des déchets d’entreprise. Notre credo, c’est qu’il n’y a rien de plus durable que quelque chose de beau. Nous voulons imprimer moins, mais plus beau ».
Jonathan Fhima, lui, a bel et bien arrêté Mithieux Metal Protect (Chambéry, 65 personnes, 40 tonnes de pièces traitées par jour, 7,3 millions de CA 2020), l’entreprise de revêtements métalliques qu’il dirige, le 17 mars… « mais mon troisième client m’a intimé l’ordre de reprendre l’activité et dès la semaine suivante on s’organisait. C’était surréaliste mais on est reparti… avec une charge à 25 % de l’ordinaire ». Alors bien sûr, Jonathan s’interroge, suit des cessions de codéveloppement à la BpiFrance et reprend complètement la stratégie de l’entreprise. « Nous commencions à nous diversifier sur d’autres marchés (dont l’aéronautique), j’ai au contraire décidé un recentrage radical sur ce qu’on savait le mieux faire : l’anticorrosion pour l’automobile, avec l’ambition de devenir un leader européen. C’est un pari risqué… mais excitant, pour moi comme pour l’équipe : le monde automobile est en pleine révolution, il faut se donner les moyens de saisir les opportunités lorsqu’elles se présenteront. »
Comment ces dirigeants ont-ils vécu ces moments de crise ? En restant très ouvert à leur environnement et dans une belle combativité. « Je suis optimiste de nature, assure Jonathan Fhima. La période est difficile mais recèle de belles opportunités, j’en suis convaincu ». Julien de Nomazy s’est senti « à sa place » et résume le sentiment général par une formule : « croire que l’avenir est possible, c’est le rôle des dirigeants ».
Philippe Claret
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