Ils rapport(ai)ent entre 200 et 490 milliards par an

par | 04 octobre 2019

Les insectes pollinisateurs qui produisent gratuitement le plus gros chiffre d’affaires au monde sont en sursis. Leur statut a fait l’objet de trois jours de réflexions à Lyon.

Comme à l’Assemblée nationale, ils ont siégé en séance toute la nuit et n’ont dormi que quelques heures, mais à la différence de la chambre politique, tous sont là ce matin. Tous, ce sont les 250 chercheurs, scientifiques, experts et autres acteurs de la biodiversité invités par Arthropologia – une association naturaliste lyonnaise – à participer aux 2es Assises nationales des insectes pollinisateurs à Lyon.

L’heure est grave, on s’en doutait un peu ! Les insectes pollinisateurs, à l’image de la biodiversité, connaissent un terrible déclin. Certains groupes dits “clefs de voute” qui assurent directement ou indirectement des fonctions écologiques majeures sont en sursis. La pollinisation, principalement assurée par des insectes, constitue l’une des fonctions écologiques essentielles : près de 90 % des plantes sauvages en dépendent.

« Ce service gratuit assure le maintien de 75 % de la diversité des espèces cultivées et a été évalué entre 200 et 490 milliards d’euros par an, soit, 8 % de la valeur de production alimentaire mondiale », assure Hugues Mouret, Directeur scientifique d’Arthropologia. « Le temps des alertes est passé ! Il est maintenant vital de réagir le plus vite et le plus efficacement possible, afin de redonner une place à la vie qui nous entoure », lâche-t- il au moment de conclure ces assises.

« On est devenus complètement schizophrènes ! »

L’erreur serait d’opposer méchante économie et gentille écologie, quand les deux ont l’air étroitement liées. Car la société ne pourrait compenser économiquement ou technologiquement les pertes dues à la disparition de cette biodiversité. « Pour le moment, ce que redoutent nos dirigeants, c’est l’effondrement économique ! », souligne Bruno Charles, Vice-président de la Métropole de Lyon en charge du Développement durable et de la Biodiversité.

Dans la salle du Conseil de la Métropole qu’il connaît mieux que quiconque, le débat est lancé. « Le productivisme, parlons-en ! On fait des assises sur les insectes pollinisateurs et on balance en même temps des tonnes d’insecticides un peu partout. On est devenu complètement schizophrènes ! », s’agace Hugues Mouret.

« Si on veut supprimer le glyphosate, par exemple, il faut d’abord travailler sur le revenu des agriculteurs. Le produit est moins cher ! C’est un problème économique à résoudre ! », clame Bruno Charles. « De santé publique avant tout ! », insiste ce responsable des espaces verts lyonnais qui explique comment « l’abandon du glyphosate à Lyon a fait disparaître les marques de rougeur sur les mains des jardiniers et, dans le même temps, fait revenir des papillons dans les jardins ».

Les assises ont au moins le mérite d’évoquer ces problèmes que l’on enterre trop souvent, par manque de courage ou par (mauvaise) habitude. « Dans un rayon de 50 km autour de Lyon, 95 % des produits agricoles sont importés et 95 % de la production agricole est exportée. C’est absurde ! », s’offusque cet expert, pointant du doigt « ceux qui veulent faire du gain sans se soucier du sort des insectes pollinisateurs ».

La salle du Conseil du Grand Lyon a accueilli les 250 participants aux assises

« Les choses commencent à bouger »

« Accuser qui que ce soit, c’est faire fausse route ! Nous sommes tous resposables ! », rétorque le directeur scientifique d’Arthropologia. Plus optimiste, il confie : « La pression sociale croît. Les agriculteurs progressent dans leur action de protection de l’environnement. Les collectivités publiques regardent ça de près. Bref, les choses commencent à bouger ! ».

En outre, les assises ont fait rejaillir le principal frein à une transition agroécologique : « l’appréhension du changement de paradigme et des difficultés économiques ». Elles auraient pu aussi relever toutes les difficultés qu’ont les scientifiques comme les politiques à faire prendre conscience à l’opinion publique des dangers que font courir des pratiques qui vont à l’encontre de la préservation de l’environnement, quand une adolescente suédoise y parvient en quelques mots.

« La coccinelle, c’est mieux que Monsanto ! »

Elles sont belles et ornent les places et les rues de nos villages, mais leur utilisation fait sursauter Éric Boglaenko, en charge de l’arrosage à la Ville de Lyon et de la biodiversité en général. Intervenu durant les assises des insectes pollinisateurs, cet habitant de Oytier-Saint-Oblas estime que les jardinières, pire, les suspensions florales, sont dévoreuses d’eau et synonymes d’un habitat artificiel où la biodiversité est quasiment nulle.

Pas seulement avec des fleurs

« Les communes du Nord-Isère, surtout les villages, campent sur leurs traditions ! Ils multiplient ces bacs floraux qui sont consommateurs d’eau et ne favorisent pas la biodiversité. Il n’y a rien de mieux que de planter dans des massifs à terre », nous explique-t- il.

« À Lyon, poursuit-il, on est revenu à un fleurissement plus raisonné en privilégiant des plantes et des arbustes locaux dont les cycles de vie sont toujours plus longs ». Le technicien conseille aux particuliers de laisser un coin libre au fond de leur jardin pour favoriser la biodiversité. Bref, ne pas tout tondre, et, surtout, ne pas utiliser de pesticides, mais des produits naturels, comme la coccinelle qui vient toute seule à bout du puceron.

« C’est mieux que Monsanto ! », ironise-t-il. Il prévient : « Certaines communes qui arborent fièrement 1, 2, 3 ou 4 fleurs sur leur panneau d’entrée risquent d’en perdre, si la biodiversité n’est pas respectée ! L’esthétique n’est plus le seul critère. La préservation de l’environnement compte aussi ! ». En quelque sorte, on passerait du “tape à l’oeil” à la tape sur les doigts.

3 actions en cours à la Région

La Région Auvergne-Rhône-Alpes procède à des opérations de restauration de milieux favorables aux pollinisateurs sauvages dans le cadre des contrats “vert et bleu” et des Parcs Naturels Régionaux. Elle verse également des aides à l’acquisition de matériel par les apiculteurs de loisirs de 500 €/an pour encourager le développement de l’apiculture.

En Isère, elle a aidé à la création d’une miellerie collective à destination d’une cinquantaine d’apiculteurs de loisirs. Enfin, elle lance un nouvel appel à projet “Innovation en faveur des pollinisateurs” qui permet de financer des actions en faveur de la préservation des habitats naturels, sensibiliser des publics et améliorer les connaissances scientifiques. Par ailleurs, elle soutient l’apiculture professionnelle via un plan triennal dote de 2,7 M€, de même qu’une plateforme informatique et une application dédiée pour signaler et gérer le frelon asiatique, redoutable prédateur des abeilles et guêpes.


Par Éliséo Mucciante


Cet article est paru dans votre magazine ECO Nord Isère du 4 octobre 2019. Il vous est exceptionnellement proposé à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité de nos publications papiers et/ou numériques, vous pouvez vous abonner ici.

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