La Cour de cassation confirme sa nouvelle position sur le traitement des temps de trajets des itinérants selon laquelle le temps de trajet entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile peut constituer, dans certains cas, un temps de travail effectif.
En matière de durée du travail, il faut distinguer :
- le temps de travail effectif pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (L.3121-1 c. trav.)
- le temps de trajet entre le domicile du salarié et son lieu habituel de travail qui par nature n’est pas du temps de travail effectif. En revanche, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. (L.3121-4 c. trav.).
S’agissant des salariés itinérants qui n’ont pas un lieu de travail fixe, la ligne de démarcation entre travail effectif et temps de travail est plus ténue et source de contestation. Sous l’influence de la jurisprudence européenne, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’affirmer que le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile peut constituer, dans certains cas, un temps de travail effectif.
Dans un tel cas, le salarié pourrait être amené à revendiquer des heures supplémentaires. Tout l’enjeu est alors de déterminer si pendant ces temps de trajet le salarié restait à la disposition de l’employeur et s’il pouvait librement vaquer à ses occupations personnelles.
Pour ce faire, les juges procèdent à une analyse au cas par cas et chaque nouvelle illustration jurisprudentielle permet d’affiner la grille de lecture pour déterminer « la ligne rouge » à ne pas franchir.
Par exemple, le salarié itinérant qui devait, lors de ses déplacements dans un véhicule de la société, fixer des rendez-vous, ou encore appeler et répondre à ses divers interlocuteurs reste à la disposition de son employeur. Dès lors, le temps de déplacement doit être traité et rémunéré comme du temps de travail effectif (Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 20-21.924).
Dans la présente affaire (cass. Soc. 25 octobre 2023 n°20-22.800), le salarié revendiquait que les heures de trajets soient qualifiées comme des heures de travail effectif dans la mesure où il recevait un planning, il devait impérativement se soumettre à l’accord de son supérieur pour réaliser des heures supplémentaires, il effectuait des soirées étapes imposées par l’employeur et son véhicule de service disposait d’un dispositif de géolocalisation notamment pour contrôler le respect des plannings et l’optimisation des temps de trajets.
La Cour d’appel et la Cour de cassation rejettent l’argumentation du salarié au motif qu’il prenait l’initiative de son circuit quotidien, il pouvait désactiver la géolocalisation du véhicule de service, il pouvait choisir ses soirées étapes (les prescriptions de l’employeur en la matière servant juste à éviter de trop longs trajets) et que le salarié restait libre de vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier.
Le salarié soutenait également qu’il devait effectuer un travail administratif à son domicile et qu’en conséquence, le temps de trajet entre le domicile, lieu où le salarié devait exercer une partie de ses fonctions, et les locaux des clients de l’employeur constituait un temps de travail effectif et devait être rémunéré comme tel. Ce dernier argument a là aussi été rejeté dans la mesure où le salarié ne démontrait pas l’importance effective des tâches administratives accomplies à son domicile, lequel n’avait de fait pas la qualité de lieu de travail.
Les questions de durées du travail restent toujours aussi délicates à traiter et source de nombreux contentieux puisque les salariés peuvent revendiquer d’importants rappels de salaire.
Crédit photo à la une : Samuele Errico Piccarini sur Unsplash
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